Deux voiliers classiques d’exception en escale

Le public cherbourgeois est particulièrement chanceux. En effet, depuis ce matin, un rayon de lune et une coccinelle alignent leurs blanches silhouettes le long du quai Alexandre III, habituellement si désert. Le rayon de lune c’est bien evidemment Moonbeam IV, et Mariquita, coccinelle en espagnol. Tous deux se sont posés dans le bassin du commerce et pointent leurs étraves vers le pont tournant. Ces deux voiliers de légende centenaires sont d’une élégance rare. L’escale sera brève, appareillage demain matin à destination de Brest.

Alors qu’ils auront déjà doublé le raz Blanchard, retrouvez ici jeudi 19 juin l’intégralité de l’interview de Jacques Caraes, skipper de Mariquita.

Le quatrième et dernier des Moonbeam est aussi le plus grand de la série avec une longueur de 115 pieds (35 m). Conçu et construit en 1914 par le célèbre architecte naval écossais William Fife Junior pour Charles Plumptre Johnson, le fils du médecin de la reine Victoria, un régatier passionné, il est l’unique cotre aurique de la série des Moonbeam du 20e siècle.

Armé seulement en 1920, après la Première Guerre mondiale, il s’illustre rapidement en régate et ses victoires sur la King’s Cup de Cowes en 1920 et 1923 forgent sa légende. Son numéro de voile est le 8. Considéré comme l’un des plus beaux voiliers classiques du monde, il était d’ailleurs décrit par Éric Tabarly comme « le plus beau yacht jamais construit. »

En 1927, Moonbeam IV adopte une longue corne de type Marconi et continue de participer à de nombreuses régates jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, date de la fin de sa carrière. Converti en cotre bermudien, il est alors emmené en Méditerranée, où il navigue aux côtés de ses anciens « concurrents » depuis transformés en voiliers de croisière.

En 1950, il est racheté par le Prince Rainier de Monaco et rebaptisé Deo Juvante. Le Prince et Grace Kelly y passeront d’ailleurs à bord leur voyage de noces. Encore une fois, le bateau subit une modification de son gréement pour devenir un ketch bermudien.

Vendu par la famille princière, il est acheté dans les années 60 par le comte Hannibal Scotti. Celui-ci lui redonne son nom d’origine, mais le dédie à l’affrètement. Il est bien loin le temps où Moonbeam IV était la star des régates. Naviguant en méditerranée pendant de longues années, il finit par disparaitre de la circulation.

Le yacht est retrouvé en Grèce en 1995 et envoyé en Birmanie pour un long processus de refit. Toutes les boiseries sur et sous les ponts sont fabriquées artisanalement — du bois exotique pour l’intérieur ou de l’épicéa pour le mât —, et son gréement de 1927, le gigantesque Marconi retrouve sa place. Le pont conserve ces aménagements d’origine, tandis que l’intérieur est aménagé de manière similaire au design original de Fife, avec quelques concessions sur le confort moderne.

Le bronze et autres accessoires ont été fidèlement copiés sur les dessins originaux de Fife. Le bordé en bois a été supprimé, le teck d’origine a été remplacé, et de nouveaux boulons en bronze sont installés. Cette restauration achevée en 2001 a finalement permis au magnifique plan Fife de retrouver sa splendeur d’antan.

En 2016, il s’illustre de nouveau sur le circuit méditerranéen des « Grands Traditions » avec 7 premières places dont les Voiles de Saint-Tropez et d’Antibes, les Régates Royales de Cannes et le Panerai Classic Yacht Challenge. Aujourd’hui, ce voilier de croisière-charter offre 3 cabines pouvant accueillir jusqu’à 6 invités et 6 membres d’équipage. En mai 2020, il est à vendre au tarif de 2 800 000 € par le broker Edmiston.

Mariquita, coccinelle en espagnol, est probablement le dernier 19 MJI. Reconnu comme le plus beau des grands yachts dans les années qui ont suivi la première guerre mondiale, désarmé dans les années 30, Mariquita a passé plus de 30 ans sur la côte du Suffolk en tant que bateau-maison. Il a été restauré à partir de 1991 et navigue depuis pour le plus grand plaisir de tous lors des régates estivales en Méditerranée.

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